Mondial 1998: Le mystère de Ronaldo tient toujours
André Cruz était dans l’hôtel lorsque Ronaldo a été pris de convulsion, quelques heures avant le match
- Publié le 12-07-2018 à 12h37
- Mis à jour le 12-07-2018 à 12h38
André Cruz était dans l’hôtel lorsque Ronaldo a été pris de convulsion, quelques heures avant le match La France est en finale de la Coupe du Monde pour la troisième fois en vingt ans. La première fois, c’était le 12 juillet 1998. Une finale dont tout l’Hexagone parle encore puisqu’elle a vu l’équipe entraînée par Aimé Jacquet remporter sa première (et jusqu’à présent seule) étoile.
Au Brésil, battu 3-0, le sujet fait encore partie des souvenirs qu’on préfère enfouir profondément sous le sable de Copacabana. Ce n’est pas la raclée contre l’Allemagne en 2014 ou la finale de 1950 perdue au Maracana contre l’Uruguay mais cela reste une tache dans l’histoire du futebol. Aussi en raison de tout ce qui s’est passé dans l’après-midi précédant le match. Car c’est peut-être là que tout s’est joué, lorsque Ronaldo a été transporté d’urgence à l’hôpital avant de réapparaître à quelques minutes du coup d’envoi. Ces événements, un homme les a vécus de l’intérieur : l’ex-joueur du Standard André Cruz faisait partie de la Seleçao. "Aujourd’hui encore, partout où je vais, on m’en parle."
Alors, que s’est-il passé exactement ? Il raconte. "Il était aux environs de 14 h; nous venions de partir pour la sieste. Je partageais la chambre de Cafu; Ronaldo était dans celle de Roberto Carlos. Soudain, on a entendu crier. Au début, on a cru que c’était quelqu’un qui faisait une blague mais, à cette heure-là, le jour d’une finale, c’était bizarre. Une voix était plus forte que toutes les autres : celle d’Edmundo. Nous avons accouru. Roberto était catastrophé; il courait dans le couloir sans savoir où aller. Ronaldo était couché, il était pris de convulsions, il bavait. Le médecin nous a demandé de sortir puis l’ambulance est arrivée et ils l’ont emmené. Nous sommes retournés dans nos chambres mais plus moyen de dormir, évidemment."
Et de continuer: "À 16 heures, nous avions le goûter; la chaise de Ronaldo était vide. Avant de partir au stade, Zagallo a fait sa théorie. Il a dit à Edmundo que c’est lui qui prendrait la place de Ronaldo. Puis un peu après 19 heures, alors que nous allions partir à l’échauffement, nous avons vu la porte du vestiaire s’ouvrir et Ronaldo entrer avec un large sourire. Il s’est adressé à Zagallo et il a dit: ‘Je joue’. Zagallo a protesté mais Ronaldo a dit qu’il avait passé tous les examens et qu’il avait le feu vert du médecin. Alors ils se sont réunis dans une pièce à côté, avec la commission technique, et quand Zagallo est rentré, il a dit: ‘Ronaldo joue’. Edmundo était furieux mais aussi content de le voir en bonne santé. La suite, vous la connaissez."
Des tas d’histoires ont circulé à ce sujet. Selon une d’entre elles, ce serait Nike qui aurait mis la pression pour que la star joue malgré tout. André Cruz n’y croit pas. "À aucun moment je n’ai vu Ricardo Teixeira (NdlR : président de la fédération brésilienne à l’époque) ou des représentants de Nike intervenir. Imaginez un peu que Nike ait obligé Ronaldo à jouer et que celui-ci soit mort sur le terrain. Je n’y crois pas."
On ne saura probablement jamais non plus ce qui a provoqué ces convulsions. "Le seul qui pourrait peut-être en dire plus, c’est Roberto Carlos. Mais je n’ai jamais voulu le lui demander. L’autre jour, on a interrogé Cafu à la télévision. Il a raconté exactement ce que je viens de vous dire. C’est tout ce que nous savons."
"Cette équipe-là était meilleure que celle de 2002"
L’ancien Standardman se souvient de la déception d’après-match
L’accident survenu à Ronaldo est-il la cause de la défaite du Brésil en 1998 ? André Cruz ne veut pas l’affirmer à 100 %. "Les circonstances et les excuses, on ne les invoque jamais que quand on perd", dit-il. "Le constat, c’est que nous sommes très mal entrés dans ce match. Et probablement que, oui, ce qui s’est passé l’après-midi a joué un rôle. Pour nous, parce que ça fait toujours peur de voir un ami partir dans une ambulance. Nous n’étions plus du tout concentrés. Et lui, même s’il était prêt médicalement, on voyait qu’il était épuisé. Bref, l’équipe était apathique, sans réaction, face à des Français survoltés et très agressifs."
L’ancien défenseur se souvient de la rencontre : "En deuxième mi-temps, nous avons équilibré les échanges et nous avons eu une occasion énorme de revenir à 2-1. Sur un corner, le ballon est revenu à Ronaldo qui a tenté de lober Barthez. S’il place sur le côté du gardien, c’est but. Et là, je crois qu’on revient. Parce qu’on avait une p… de sélection, nous avions joué un tout gros match contre les Pays-Bas quelques jours plus tôt. Cette équipe avait beaucoup de personnalité, ce n’étaient pas des gamins. Elle était plus forte que l’équipe qui a gagné au Japon quatre ans plus tard."
Et de conclure : "Après le match, nous étions tous très abattus. Nous ne voulions pas y croire, nous nous disions que le réveil allait sonner et nous sortir du cauchemar. Ronaldo n’a jamais regretté d’avoir joué. Mais qu’aurait-il pu faire ? Imaginez qu’il n’ait pas joué et que le Brésil soit battu 3-0. La pression sur Zagallo aurait été immense. C’était une situation très compliquée pour lui."
"Être là, c'est déjà une victoire"
S’il a participé à toute l’aventure, André Cruz n’a pas joué une seule minute en 1998. Un an et demi plus tôt, pourtant, il était capitaine de l’équipe qui avait inauguré le stade de l’Ajax. "Cette saison-là, j’ai été transféré de Naples à Milan où j’ai commencé à ressentir des douleurs au dos", explique-t-il. "Cela n’a fait qu’empirer et, en janvier 1998, j’ai été opéré d’une hernie discale. Tout le monde pensait que le Mondial était terminé pour moi. Comme il faisait froid en Italie, Capello m’a permis de faire ma rééducation au Brésil. C’était aussi l’occasion de passer du temps avec ma maman, qui allait mourir d’un cancer quelques semaines plus tard. Je m’entraînais 6 heures par jour." Et de continuer : "Lorsque je suis rentré à Milan, Capello m’a fait joué 2 matches avec la Primavera, puis deux matches de championnat. C’est alors que Marcio Santos s’est blessé à la cuisse et que Zagallo m’a appelé. Je ne suis même pas repassé par le Brésil, j’ai rejoint le groupe en France."
André Cruz ne regrette pas de ne pas avoir joué : "Après tout cela, être présent, c’était déjà une victoire, d’autant qu’à 29 ans, c’était la dernière possibilité pour moi. J’aurais pu jouer le troisième match de poules contre la Norvège mais je m’étais occasionné une contracture à la cuisse à l’entraînement et Zagallo n’a pas voulu prendre de risque."